à J. Keck
Ma belle amie est morte,
Et voilà quon la porte
En terre, ce matin,
En souliers de satin.
Elle dort toute blanche,
En robe de dimanche
Dans son cercueil ouvert
Malgré le vent dhiver.
Creuse, fossoyeur, creuse
A ma belle amoureuse
Un tombeau bien profond,
Avec ma place au fond.
Avant que la nuit tombe
Ne ferme pas la tombe;
Car elle mavait dit
De venir cette nuit.
De venir dans sa chambre:
Par ces nuits de décembre,
Seule, en mon lit étroit,
Sans toi jai toujours froid.
Mais, par une aube grise,
Son frère la surprise
Nue et sur mes genoux.
Il ma dit: Battons-nous.
Que je te tue. Ensuite
Je tuerai la petite.
Cest moi qui, men gardant,
Lai tué, cependant.
Sa peine fut si forte
Quhier elle en est morte.
Mais, comme elle ma dit,
Elle mattend au lit.
Au lit que tu sais faire,
Fossoyeur, dans la terre.
Et, dans ce lit étroit,
Seule, elle aurait trop froid.
Jirai coucher près delle,
Comme un amant fidèle,
Pendant toute la nuit
Qui jamais ne finit.