à Arsène Roussaye
Bois frissonnants, ciel étoilé,
Mon bien-aimé sen est allé,
Emportant mon cur désolé!
Vents, que vos plaintives rumeurs,
Que vos chants, rossignols charmeurs,
Aillent lui dire que je meurs!
Le premier soir quil vint ici
Mon âme fut à sa merci
De fierté je neus plus souci.
Mes regards étaient pleins daveux.
Il me prit dans ses bras nerveux
Et me baisa près des cheveux.
Jen eus un grand frémissement;
Et puis, je ne sais plus comment,
Il est devenu mon amant.
Et, bien quil me fût inconnu,
Je lai pressé sur mon sein nu
Quand dans ma chambre il est venu.
Je lui disais: Tu maimeras
Aussi longtemps que tu pourras!
Je ne dormais bien quen ses bras.
Mais lui, sentant son cur éteint,
Sen est allé lautre matin,
Sans moi, dans un pays lointain.
Puisque je nai plus mon ami,
Je mourrai dans létang, parmi
Les fleurs, sous le flot endormi.
Au bruit du feuillage et des eaux,
Je dirai ma peine aux oiseaux
Et jécarterai les roseaux.
Sur le bord arrêtée, au vent
Je dirai son nom, en rêvant
Que là je lattendis souvent.
Et comme en un linceul doré,
Dans mes cheveux défaits, au gré
Du flot je mabandonnerai.
Les bonheurs passés verseront
Leur douce lueur sur mon front
Et les joncs verts menlaceront.
Et mon sein croira, frémissant
Sous lenlacement caressant
Subir létreinte de labsent.
Que mon dernier souffle, emporté
Dans les parfums du vent dété,
Soit un soupir de volupté!
Quil vole, papillon charmé
Par lattrait des roses de mai,
Sur les lèvres du bien-aimé!