Intermittences

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Il est des jours, il est des moisIl est jusques à des annéesOù, fui des Muses surannées,Déserté par toutes ses Fois,

Froid aux couronnes comme aux tresses,Aux palmes ainsi qu'aux lauriers,Le Poète, dont vous riez,Connaît aussi les sécheresses.

Tel un chrétien trop scrupuleuxNe trouve plus dans sa prièreL'oraison douce et familière,Chaude au cœur aujourd'hui frileux,

A l'âme désormais glacéeQui frémit de doute en l'horreurDu seul scrupule d'une erreurDont il soupçonne sa pensée...

Mais laissez faire: l'an viendra,Le mois viendra, le jour propiceOù du morose précipiceL'âme immortelle surgira,

Où le cœur sincère et fidèleRetrouvera l'arbre et les nidsDes bons pensers par Dieu bénisEt s'y rendra d'un grand coup d'aile...

Ainsi le poète, guériDe la torpeur qui l'étiole,Tout à coup s'essore et s'envoleVers le bosquet toujours chéri,

D'où, voix qu'a refaite un long jeûne,Dans les crépuscules seuls siens,Il chante ses chagrins anciensEt l'espérance à jamais jeune!

© Paul Verlaine