Dors dans cette nacelle où te reçut le monde;Songe au ciel d'où tu viens, au fond de ton berceau,Comme le nautonier qui, sur la mer profonde,Rêve de la patrie et dort dans son vaisseau.
Le matelot n'entend au-dessus de sa têteQu'un bruit vague et sans fin sur le flot agité,Et quand autour de lui bouillonne la tempête,Il sourit au repos qu'hélas! il a quitté.
Qu'ainsi de notre terre aucun son ne t'éveille,Et que les bruits lointains de la vaste cité,La harpe de ton frère ou ta mère qui veille,Tout forme à ton repos un murmure enchanté!
N'entends pas les vains bruits de la foule importune,Mais ces concerts formés pour tes jeunes douleurs;Tu connaîtras assez la voix de l'infortune:Sur la terre on entend moins de chants que de pleurs.
Pour ta nef sans effroi la vie est sans orages;Le seul flot qui te berce est le bras maternel,Et tes jours passeront sans crainte des naufragesDepuis le sein natal jusqu'au port éternel.
Les nautoniers pieux, sur la mer étrangère,Invoquent la patronne et voguent rassurés...Tu t'appelles Marie, ô jeune passagère,Et ton nom virginal règne aux champs azurés.