J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche, sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs ;
Puisqu'au printemps, quand Dieu met la nature en fête,
J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;
Puisque je suis à l'heure où l'homme fuit le jour,
Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ;
Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu ;
Puisqu'en cette saison des parfums et des roses,
Ô ma fille ! j'aspire à l'ombre où tu reposes,
Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu.
Je n'ai pas refusé ma tâche sur la terre.
Mon sillon ? Le voilà. Ma gerbe ? La voici.
J'ai vécu souriant, toujours plus adouci,
Debout, mais incliné du côté du mystère.
J'ai fait ce que j'ai pu ; j'ai servi, j'ai veillé,
Et j'ai vu bien souvent qu'on riait de ma peine.
Je me suis étonné d'être un objet de haine,
Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé.
Dans ce bagne terrestre où ne s'ouvre aucune aile,
Sans me plaindre, saignant, et tombant sur les mains,
Morne, épuisé, raillé par les forçats humains,
J'ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle.
Maintenant, mon regard ne s'ouvre qu'à demi ;
Je ne me tourne plus même quand on me nomme ;
Je suis plein de stupeur et d'ennui, comme un homme
Qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi.
Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,
Répondre à l'envieux dont la bouche me nuit.
Ô Seigneur, ! ouvrez-moi les portes de la nuit,
Afin que je m'en aille et que je disparaisse !
Veni, Vidi, Vixi
I have lived long enough, since in my grief
I walk, nor any arm to help is found;
Since I scarce laugh at the dear children round,
Since flowers, henceforth, can give me no relief.
Since in the Spring, when God makes Nature crave,
I see with joyless soul that love so bright;
Since reached the hour when man avoids the light,
And knows the bitterness that all things have.
Since from my soul all hope has passed away;
Since, in this month of fragrance and the rose,
My child! I wish to share thy dark repose;
Since, dead my heart, too long in life I stay.
From earth's set task I never sought to fly:
Ploughed is my furrow, and my harvest o'er.
Cheerful I lived, and gentle more and more--
Erect, yet prone to bow towards mystery.
I've done my best: with work and watching worn,
I've seen that many mocked my grieving state;
And I have wondered at there causeless hate,
Having much sorrow and much labour borne.
In this world's gaol, where all escape is vain,
Unmurmuring, bleeding, prostrate 'neath the shock.
Silent, exhausted, jeered by felon mock,
I've dragged my link of the eternal chain.
Now my tired eyes are but half open kept,
To turn when I am called is all I can,
Wearied and stupefied, and like a man
Who rises e'er the morn, and ne'er has slept.
Idle through grief, I neither deign nor care
Notice to take of envy's noisome spite.
O Lord! now open me the gates of night,
That I may get me gone, and disappear.