CETTE vieille cloche d'église
Qu'une gloire en larmes encor
Blasonne, brode et fleurdelise,
Rutile à nos yeux comme l'or.
On lit le nom de la marraine,
En traits fleuronnés, sur l'airain,
Un nom de sainte, un nom de reine,
Et puis le prénom du parrain.
C'est une pieuse relique:
On peut la baiser à genoux;
Elle est française et catholique
Comme les cloches de chez nous.
Jadis ses pures sonneries
Ont mené les processions,
Les cortèges, les théories
Des premières communions.
Bien des fois pendant la nuitée,
Par les grands coups du vent d'avril,
Elle a signalé la jetée
Aux pauvres pêcheurs en péril.
A présent, le soir, sur les vagues,
Le marin qui rôde par là,
Croit ouïr des carillons vagues
Tinter l'Ave maris stella.
Elle fut bénite. Elle est ointe.
Souvent, dans l'antique beffroi,
Aux Fêtes-Dieu, sa voix s'est jointe
Au canon des vaisseaux du Roy.
Les boulets l'ont égratignée,
Mais ces balafres et ces chocs
L'ont pour jamais damasquinée
Comme l'acier des vieux estocs.
Oh! c'était le coeur de la France
Qui battait à grands coups alors
Dans la triomphale cadence
Du grave bronze aux longs accords.
O cloche, c'est l'écho sonore
Des sombres âges glorieux
Qui soupire et sanglote encore
Dans ton silence harmonieux.
En nos coeurs tes branles magiques
Dolents et rêveurs, font vibrer
Des souvenances nostalgiques
Douces à nous faire pleurer.