Ils vont pieds nus le plus souvent. L'hiver
Met a leurs doigts des mitaines d'onglee.
Le soir, helas! ils soupent du grand air,
Et sur leur front la bise echevelee
Gronde, pareille au bruit d'une melee,
A peine un peu leur sort est adouci
Quand avril fuit la terre consolee.
Ayez pitie des Enfants sans souci.
Ils n'ont sur eux que le manteau du ver,
Quand les frissons de la voute etoilee
Font tressaillir et briller leur oeil clair.
Par la montagne abrupte et la vallee,
Ils vont, ils vont! A leur troupe affolee
Chacun repond: "Vous n'etes pas d'ici,
Prenez ailleurs, oiseaux, votre volee."
Ayez pitie des Enfants sans souci.
Un froid de mort fait dans leur pauvre chair
Glacer le sang, et leur veine est gelee.
Les coeurs pour eux se cuirassent de fer.
Le trepas vient. Ils vont sans mausolee
Pourrir au coin d'un champs ou d'une allee,
Et les corbeaux mangent leur corps transi
Que lavera la froide giboulee.
Ayez pitie des Enfants sans souci.
ENVOI
Pour cette vie effroyable, filee
De mal, de peine, ils te disent: Merci!
Muse, comme eux, avec eux, exilee.
Ayez pitie des Enfants sans souci!