Dans le clocher de mon villageIl est un sonore instrumentQue j'écoutais dans mon jeune âgeComme une voix du firmament.
Quand, après une longue absence,Je revenais au toit natal,J'épiais dans l'air, à distance,Les doux sons du pieux métal.
Dans sa voix je croyais entendreLa voix joyeuse du vallon,La voix d'une sœur douce et tendre,D'une mère émue à mon nom!
Maintenant, quand j'entends encoreSes sourds tintements sur les flots,Chaque coup du battant sonoreMe semble jeter des sanglots.
Pourquoi? Dans la tour isoléeC'est le même timbre argentin,Le même hymne sur la vallée,Le même salut au matin.
Ah! c'est que, depuis le baptême,La cloche au triste tintementA tant sonné pour ceux que j'aimeL'agonie et l'enterrement!
C'est qu'au lieu des jeunes prièresOu du Te Deum triomphant,Il fait vibrer les froides pierresDe ma mère et de mon enfant!
Ainsi, quand ta voix si connueRevint hier me visiter,Je crus que du haut de la nueL'ancienne joie allait chanter.
Mais hélas! du divin volumeOù tes doux chants m'étaient ouverts,Je ne sais quel flot d'amertumeCoulait en moi dans chaque vers.
C'est toujours le même génie,La même âme, instrument humain;Mais avec la même harmonie,Comme tout pleure sous ta main!
Ah! pauvre mère! Ah! pauvre femme!On ne trompe pas le malheur.Les vers sont le timbre de l'âme;La voix se brise avec le cœur.
Toujours au sort le chant s'accorde.Tu veux sourire, en vain: je voisUne larme sur chaque cordeEt des frissons sur chaque doigt.
A ces vains jeux de l'harmonieDisons ensemble un long adieu.Pour sécher les pleurs du génie,Que peut la lyre? Il faut un Dieu.